La viande sud-américaine inonde l’Europe. Alors même que l’accord UE-Mercosur n’est pas encore en vigueur, les importations explosent. Est-ce une menace pour la filière bovine européenne ou un simple ajustement temporaire ? Les chiffres sont impressionnants, et les enjeux nombreux.
Une envolée des importations avant même l’accord
Durant l’été 2025, le marché européen du bœuf a connu un tournant majeur. En juillet, l’Union européenne a importé plus de 47 500 tonnes équivalent carcasse (téc) depuis des pays extérieurs à l’UE. C’est une hausse de 46,2 % par rapport à juillet 2024.
Le Mercosur – qui regroupe le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay – représente à lui seul 70,7 % de ces importations extracommunautaires. Un an plus tôt, ce chiffre était de 57,7 %. La montée est régulière : 55,6 % en juillet 2019, 42,9 % en 2016.
Des pays qui accélèrent fortement leurs livraisons
Les hausses par pays sont remarquables :
- Brésil : +132,3 %
- Uruguay : +73,4 %, dépassant les 10 000 téc
- Argentine : +46,9 %, dépassant aussi les 10 000 téc
- Paraguay : +67,8 %
Ensemble, ces pays créent une vague d’approvisionnement constante. En août 2025, le Brésil a encore expédié 13 600 tonnes vers l’Union, soit un bond de 45 %.
Pourquoi ce boom maintenant ?
Plusieurs facteurs se combinent :
- Recul de la production européenne : -3,2 % au premier semestre 2025, soit 103 000 téc de moins qu’en 2024.
- Demande stable : notamment en Allemagne.
- Utilisation renforcée des quotas existants : les pays du Mercosur utilisent des voies déjà ouvertes avant le nouvel accord.
En clair, les opportunités douanières déjà en place permettent une montée rapide des flux sud-américains.
Les quotas douaniers en chiffres
Deux principaux quotas sont déjà opérationnels :
- Contingent Hilton : 58 400 tonnes taxées à 20 % réparties comme suit :
- Argentine : 38 206 t
- Brésil : 11 636 t
- Uruguay : 7 288 t
- Paraguay : 1 300 t
- Quota « haute qualité » (depuis 2009) : 58 500 tonnes à 0 % de droits, dont :
- États-Unis : 45 500 t
- 13 000 t partagées entre Argentine, Uruguay, Nouvelle-Zélande et Australie
Ce qu’apportera l’accord UE-Mercosur
L’accord envisagé introduira un quota de 99 000 tonnes à 7,5 %, réparti sur six ans, et supprimera totalement les droits sur les 58 400 tonnes du contingent Hilton.
Résultat attendu : environ 157 000 tonnes éligibles à un droit maximal de 7,5 %, sans compter les 13 000 tonnes déjà partagées avec l’Océanie. En comparaison, les exportations du Mercosur vers l’UE étaient de 194 000 tonnes en 2024.
Une pression directe sur les éleveurs européens
Le déséquilibre est palpable. En 2024, l’Europe concentrait sa production dans quelques pays :
- France : 19,7 %
- Allemagne : 15,3 %
- Espagne : 10,9 %
- Italie : 10,0 %
- Pologne : 9,7 %
- Irlande : 9,2 %
Ces six pays fournissent presque les trois quarts du bœuf européen. Une ouverture plus large aux importations pourrait fragiliser des filières déjà sous tension.
Faut-il s’inquiéter ?
Ce déferlement sud-américain repose pour l’instant sur des cadres douaniers bien connus. Néanmoins, l’arrivée d’un accord aux règles assouplies renforcera encore la compétitivité des producteurs du Mercosur.
La pression sur les prix et les normes de production pourrait s’intensifier. Et même si la demande reste stable, la part croissante des viandes importées pourrait éroder la rentabilité des éleveurs locaux.
Le marché donne donc un signal clair : même avant l’accord, l’Europe privilégie déjà – pour des raisons économiques – des viandes venues de loin. Reste à savoir si les consommateurs et les institutions accepteront ce compromis sur la souveraineté alimentaire.












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