La Cour des comptes fait une nouvelle fois parler d’elle, et cette fois, ce sont les retraités qui sont dans son viseur. Après avoir été très active sur les questions liées au chômage, elle intensifie son action de contrôle sur certains bénéficiaires de pensions de retraite. Cette démarche, bien que légitime sur le fond, soulève des tensions et une inquiétude croissante, notamment chez les retraités vivant à l’étranger et ceux qui cumulent emploi et pension.
Les retraités expatriés sous surveillance renforcée
Chaque année, plus d’un million de retraités français résidant hors du pays sont tenus de prouver… qu’ils sont encore en vie. Cela peut paraître étonnant, voire un peu rude, mais c’est la réalité.
Pourquoi cette mesure ? Pour éviter les erreurs de versement de pension à des personnes décédées. Ces erreurs, même rares, peuvent coûter cher aux caisses de retraite. La Cour des comptes a ainsi décidé d’élargir le contrôle sur ce public spécifique, qui représente déjà un enjeu administratif majeur.
Les pays les plus concernés :
- Maroc
- Espagne
- Portugal
Documents désormais exigés chaque année :
- Certificat de vie authentifié
- Pièce d’identité valide
- Acte de naissance
Sans ces pièces justificatives, les versements sont suspendus dans un délai de trois mois. Cela peut entraîner une perte de revenu brutale pour des foyers souvent vulnérables, dépendant essentiellement de cette pension pour vivre.
Pas moins de 710 000 dossiers sont actuellement passés en revue. Pour beaucoup, la difficulté vient du manque de familiarité avec les démarches administratives, ou simplement de l’éloignement géographique. Et quand le versement est coupé, les procédures pour le rétablir sont longues et complexes.
Le cumul emploi-retraite dans le viseur
Autre sujet de préoccupation pour la Cour des comptes : le cumul entre pension de retraite et revenus d’activité. Le phénomène prend de l’ampleur, et les chiffres le confirment.
Évolution du nombre de retraités cumulant une activité :
- 475 000 en 2022
- 900 000 attendus en 2025
Ces chiffres interrogent, d’autant plus quand on découvre que certains retraités exercent encore une activité professionnelle leur rapportant des montants annuels très élevés, pouvant dépasser les 100 000 euros. C’est notamment le cas de certains médecins libéraux.
Face à cette situation, la Cour s’inquiète d’un « effet d’aubaine ». Le dispositif, à l’origine conçu pour compléter un revenu modeste, devient pour certains une opportunité de cumuler revenus et pension sans véritable limite.
Parmi les pistes envisagées :
- Mettre en place un plafond de revenu
- Limiter dans le temps la possibilité de cumuler
- Réserver ce dispositif aux situations de réel besoin
L’enjeu est aussi moral : difficile de justifier qu’on touche une pleine retraite et un gros salaire, alors que d’autres, aux carrières plus modestes, peinent à joindre les deux bouts.
Un système à protéger dans un contexte tendu
En toile de fond, il y a une inquiétude plus large : celle de la soutenabilité du système de retraite. Chaque année, plus de 60 millions d’euros sont perdus à cause de fraudes. Et ce chiffre ne représente qu’une partie des défis.
Pour y faire face, la Cour des comptes ne se contente pas de jouer les gendarmes. Elle propose aussi une modernisation des processus pour éviter les erreurs, améliorer la transparence et garantir que chaque euro soit réellement utile.
Un exemple : dans certaines zones, la pension atteint jusqu’à 74 % du dernier salaire. Ces cas particuliers attirent l’attention des contrôleurs et montrent l’importance d’intervenir de façon ciblée, sans généraliser.
Une ligne de crête entre contrôle et équité
Le défi est clair : renforcer les contrôles sans basculer dans une chasse aveugle. L’objectif n’est pas de transformer chaque retraité en suspect, mais de protéger l’équilibre d’un système solidaire.
En surveillant de près les situations à risque, la Cour cherche à maintenir une retraite équitable pour tous, sans dérives financières. Sa stratégie, bien qu’exigeante, vise la pérennité d’une promesse républicaine fondamentale : celle d’une fin de vie digne et juste pour tous les anciens travailleurs.
Plus que jamais, l’avenir des retraites françaises se joue sur un fragile équilibre. Et pour y parvenir, vigilance administrative et justice sociale devront marcher côte à côte.












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